Page:Caumont Les Jeux d esprit.djvu/31

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prochent ; elle ne va point jusqu’à traverser leurs plaisirs : elle ne fait qu’empoisonner ceux que je puis prendre, et enfin à rendre fort souvent rêveuse, et quasi toujours mélancolique, une créature qui, vive et gaye, n’étoit faite que pour la joie et pour les plaisirs.

« Je sens aussi, malgré toute la philosophie dont je viens de me louer, que deux passions ont trop d’empire sur mon âme, c’est la tendresse et l’ambition ; l’une l’emporte infiniment sur l’autre : je la laisse à deviner.

« J’aime fort la magnificence, et, quand je consulte mon cœur, je crois que j’avois été formée pour être reine, tant je trouve que celles qui sont élevées à ce rang suprême devroient avoir mes sentiments.


Les Héros les avoient ainsi ;
Ils viennent des vertus divines ;
Et ne dois-je pas croire aussi
Que ce sont eux qui font les Héroïnes.


« Je m’écarte toujours de la route ordinaire des ambitieux, qui ne sont jamais sans de grands desseins. Je les formerois comme une autre, et je les pousserois assez bien si la fortune me rioit. Je sais que sans elle tous les projets n’aboutissent à rien, et j’avoue que je me repose un peu sur la destinée.

« J’ai le cœur fort tendre. J’ai été toujours trompée ; je n’ai trouvé en toute ma vie qu’une bonne amie ; j’en ai eu de perfides et quantité de faux amis. Je sais et je sens tout ce qu’il faut sentir pour bien aimer. Jamais peut-être personne n’a eu l’âme si passionnée. La persécution, l’exil, la misère, la mort, l’infidélité même ne me feroient pas manquer à ceux à qui j’aurois donné