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Page:Cavallucci - Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2.pdf/90

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80 CONTES ET SCÈNES DE LA VIE DE FAMILLE voyait… La femme détourna la tête et rougit ; le mot avait porté. Une autre fois, un homme à qui le vin avait ôté ses forces mais non son orgueil, était insulté, irrité par des passants qu’il essayait en vain de poursuivre ; ils ne riaient que plus. Elle s’avance toute seule au devant de lui, et place dans sa main entr’ouverte pour menacer, un fruit qu’elle s’était réjouie de rapporter à la maison. L’homme fut surpris ; il fixa sur elle ses regards comme cherchant à comprendre, et lut dans ses yeux l’intention chrétienne. Sa colère tomba, les rires cessèrent autour de lui ; la pitié avait vaincu. “Et sa voix, restée dans l’oreille de ceux qui l’ont une fois entendue ! sa voix chantée faisait pleurer ; sa voix parlée. était irrésistible. On nous racontait hier qu’un Nantais menacé de perdre la vue, s’était rendu à Paris pour confier ses yeux aux soins du docteur ***. Il eut occasion de venir chez Madame Valmore qui l’avait servi en cette circonstance. Il revint plusieurs fois, toujours voilé par un bandeau, et ne communiquant avec elle que par la parole. Sur le point de partir, il alla une dernière fois la saluer. Ses yeux étaient alors plus cachés que jamais ; la vue cependant lui était promise, s’il avait la patience de conserver l’appareil un certain temps. Il parla de ses craintes, de son espoir. Elle consolait, et tout ce qu’elle disait fondait le cœur de cet homme. Tout d’un coup, cédant à une impulsion violente : “Madame, s’écrie-t-il, il faut que je vous voie !, et il enlève son bandeau. Effrayée, elle le force à replacer l’appareil protecteur, lui reprochant une telle imprudence. Sa voix avait tout fait. “La présence de cœur de Madame Valmore était continuelle. Tous les humbles qu’elle a consolés, les vieillards qu’elle honorait plus particulièrement, en porteraient témoignage : “Ah ! madame, vous êtes une embaumeuse des vieillards…, , lui écrivait M. Bouilly, ému de son respect et de sa délicatesse affectueuse. Les prisons se sont ouvertes à sa prière ; les exilés ont trouvé son escalier facile, sa maison toujours ouverte. Elle ne demandait jamais à un malheureux son secret, mais devinait tout. S’il s’en allait joyeux, elle restait son obligée.