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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/12

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d’elle son esprit était encore plus aimable que son visage on n’avait pas le temps de respirer ni de s’ennuyer quand elle était quelque part. Toutes les Champmeslés du monde n’avaient point ces tons ravissants qu’elle laissait échapper en déclamant ; et si sa gaieté naturelle lui eût permis de retrancher certains petits airs un peu coquets que toute son innocence ne pouvait pas justifier, c’eût été une personne accomplie. »

Cette coquetterie de madame de Caylus, si finement raillée par l’abbé de Choisy, avait été sans doute remarquée et mal interprétée, puisque l’aimable actrice cessa bientôt de paraître sur la scène. Aussi madame de Sévigné écrivait-elle à sa fille, le 11 février 1689 :

« On continuera à représenter Esther : madame de Caylus qui en étoit la Champmeslé, ne joue plus ; elle faisait trop bien, elle étoit trop touchante on ne veut que la simplicité toute pure de ces petites âmes innocentes. »

On ne la trouvait donc pas assez innocente ! C’était là un grief capital à la cour majestueuse du grand roi, et ce n’était malheureusement pas le seul que l’on eût contre madame de Caylus. Au dire de Saint-Simon « elle aimoit le jeu sans avoir de quoi le soutenir, encore mieux la table où elle étoit charmante, et elle excelloit dans l’art de contrefaire. » Tout cela ne pouvait la recommander à l’estime de