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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/99

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soucier. Madame de Montespan découvrit cette intrigue, par l’affectation que madame de Soubise avoit de mettre certains pendans d’oreilles d’émeraudes les jours que M. de Soubise alloit à Paris. Sur cette idée, elle observa le Roi, le fit suivre, et il se trouva que c’étoit effectivement le signal de rendez-vous.

Madame de Soubise avoit un mari[1] qui ne ressembloit pas à celui de madame de Montespan, et pour lequel il falloit avoir des ménagemens. D’ailleurs, madame de Soubise étoit trop solide pour s’arrêter à des délicatesses de sentiment, que la force de son

    elle ou Bontemps les venoit avertir ; et toutes deux, bien seules et bien affublées, se rendoient par des derrières chez le roi. » La princesse Palatine ne se montre pas tendre pour cette favorite. « Madame de Soubise, écrit-elle, était fine, dissimulée et très méchante elle a pitoyablement trompé la bonne reine, mais la reine l’a bien jugée, car elle a mis au jour toutes ses faussetés, et l’a pour ainsi démasquée devant tout le monde. »

  1. Les chansonniers du temps invitaient facétieusement la princesse à se débarrasser de son mari :

    Si c’est la crainte d’un époux
    Qui vous fait combattre un monarque,
    Soubise, que ne parlez-vous ?
    On lui ferait bientôt passer la barque.
    Si vous voulez aujourd’hui,
    On l’enverroit demain chez lui.


    II ne paraît pas cependant, si l’on en croit Saint-Simon, que le prince de Soubise ait été fort gênant. « M. de Soubise, instruit à l’école de son père et d’un frere aîné, infiniment plus âgé que lui, ne prit pas le parti le plus honnête, mais le plus utile. Il se tint toute sa vie rarement à la cour, se renferma dans le gouvernement de ses affaires domestiques, ne fit jamais semblant de se douter de rien, et sa femme évita avec soin tout ce qui pouvoit trop marquer. »