Page:Cazotte - Le Diable amoureux.djvu/157

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sont remplies, vous pouvez sortir de ma chambre sans craindre le ridicule.

— Je suis, me répondit-elle, maintenant au-dessus de cette frayeur ; mais vos intérêts et les miens m’en inspirent une beaucoup plus fondée : ils ne permettent pas que nous nous séparions.

— Vous vous expliquerez ? lui dis-je.

— Je vais le faire, Alvare.

« Votre jeunesse, votre imprudence, vous ferment les yeux sur les périls que nous avons rassemblés autour de nous. À peine vous vis-je sous la voûte, que cette contenance héroïque à l’aspect de la plus hideuse apparition décida mon penchant. Si, me dis-je à moi-même, pour parvenir au bonheur, je dois m’unir à un mortel, prenons un corps, il en est temps : voilà le héros digne de moi. Dussent s’en indigner les méprisables rivaux dont je lui fais le sacrifice ; dussé-je me voir exposée à leur ressentiment, à leur vengeance, que m’importe ? Aimée d’Alvare, unie avec Alvare, eux et la nature nous seront soumis. Vous avez vu la suite ; voici les conséquences.

» L’envie, la jalousie, le dépit, la rage, me préparent les châtiments les plus cruels auxquels puisse être soumis un être de mon espèce, dégradé par