Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/116

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et elle restait ainsi pour servir de soutien à mon vieux père et de guide à ma plus jeune sœur, qui était mariée à un sculpteur, appelé Bartolommeo. Mon père m’ayant donné sa bénédiction, je pris mon bon cheval, et je me mis en route pour Mantoue.

J’aurais trop à dire, si je voulais raconter tous les incidents de ce petit voyage. L’Italie était alors désolée par la peste et par la guerre : de sorte que j’eus mille obstacles à vaincre pour gagner Mantoue. Dès que j’y fus arrivé, je cherchai de l’ouvrage ; j’en trouvai chez un certain maestro Niccolò de Milan, orfèvre du duc.

Deux jours après m’être mis à la besogne, j’allai visiter l’excellent peintre Jules Romain, mon intime ami. Il me fit l’accueil le plus gracieux, et il se montra très-fâché de ce que je n’étais pas descendu chez lui. Il vivait en seigneur, et était en train d’exécuter pour le duc un travail dans un endroit situé hors des portes de Mantoue, et connu sous le nom de T[1]. Ce travail était grand et merveilleux, comme on peut probablement le voir encore aujourd’hui.

Jules ne tarda pas à parler de moi en termes si honorables au duc, que celui-ci me commanda le modèle d’un reliquaire destiné à renfermer quelques gouttes du sang du Christ, que les Mantouans affirment avoir été apportées dans leur ville par Longin. Le duc dit ensuite à Jules de me faire un dessin pour ce reliquaire ; mais Jules lui répondit : — « Signore, Benvenuto est un homme qui n’a pas besoin des dessins des autres, Votre Excellence le reconnaîtra parfaitement quand elle aura vu son modèle. » — Je mis la main à l’œuvre, et je commençai par dessiner un reliquaire propre à contenir l’ampoule dont j’ai parlé ; puis j’exécutai en cire un petit modèle représentant le Christ assis, tenant de la main gauche sa croix sur laquelle

  1. On trouvera la description de ce palais et des peintures qui le décorent dans Vasari, Vie de Jules Romain, t. V, p. 43 et suiv.