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MEMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

mait-il comme s’il eût été mon père. Pendant l’année que je passai à Pise, je profitai beaucoup, et j’exécutai quelques belles pièces d’orfèvrerie, qui m’inspirèrent un ardent désir d’aller encore plus loin.

Pendant ce temps, mon père me pressait tendrement de revenir à Florence, et, dans chacune de ses lettres, il me recommandait de ne pas laisser de côté la musique, qu’il m’avait enseignée avec tant de peine. À cette seule idée, je perdais entièrement l’envie de retourner près de lui, tant j’avais en haine cette maudite flûte. Il me semblait, vraiment, avoir passé dans le paradis l’année que je restai à Pise, sans jouer une seule fois de ce détestable instrument.

À la fin de l’année, mon maître Ulivieri eut besoin d’aller à Florence pour vendre des balayures d’or et d’argent. Comme le mauvais air qui règne à Pise m’avait donné un peu de fièvre, j’accompagnai mon maître à Florence ; mon père lui fit l’accueil le plus gracieux, et le pria, à mon insu, de ne pas me remmener à Pise.

Pendant les deux mois environ que dura ma maladie, mon père me soigna avec un véritable dévouement. Il répétait sans cesse que ma guérison lui paraissait se faire attendre depuis mille ans, tant il avait le désir de m’entendre jouer de la flûte. Comme il savait quelque peu de médecine et de latin, il me tâtait lui-même le pouls, et il y remarquait une telle altération dès qu’il me parlait de musique, que souvent il me quittait effrayé, avec les larmes aux yeux. Désespéré de son chagrin, je dis à une de mes sœurs de m’apporter une flûte, persuadé que, malgré la fièvre, l’instrument étant peu fatigant, je n’en serais pas plus malade. Je jouai aussitôt avec un si beau doigté et tant de netteté, que mon père, arrivant à l’improviste, me bénit mille fois et me dit qu’il lui semblait que j’avais fait d’énormes progrès pendant mon absence. Il me pria de