Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
MÉMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

firmativement, et aussitôt je traçai en sa présence un petit dessin ; je l’exécutai d’autant mieux que je prenais plaisir à m’entretenir avec cette belle et charmante femme. Au moment où j’achevais ce dessin survint une belle et noble Romaine qui était descendue de l’étage supérieur où elle demeurait. Elle demanda à madonna Porzia ce qu’elle faisait là ; celle-ci lui répliqua en riant : — « Je m’amuse à regarder dessiner ce jeune homme, en qui la bonté est alliée à la beauté. » — À ces paroles je devins rouge, et, avec une certaine hardiesse que tempérait une légère modestie, je ripostai : — « Quel que je sois, madonna, je serai toujours prêt à vous servir en tout. » — « Tu sais bien que je veux que tu me serves, » — me dit-elle en rougissant aussi ; puis, elle me remit le lis pour l’emporter, et, de plus, me donna vingt écus d’or, qu’elle tira de sa bourse, en ajoutant : — « Monte-moi ces diamants sans t’écarter du dessin que tu viens de me faire, et conserve-moi l’or de l’ancienne monture. » — « Si j’étais ce jeune homme, dit alors la noble dame romaine, je m’enfuirais volontiers avec ce trésor. » — Madonna Porzia lui répondit que le talent est rarement accouplé avec le vice, et que, si j’agissais ainsi, je démentirais fortement l’honnêteté que respirait ma figure. — Là-dessus, elle prit par la main sa compagne, et me dit avec un ravissant sourire : — « Addio, Benvenuto ! » — Je restai encore quelque temps dans le palais à travailler à un dessin que j’avais commencé d’après un Jupiter de Raphaël d’Urbin. Lorsque je l’eus achevé, je partis. J’exécutai sans retard un petit modèle en cire pour montrer ce que serait mon lis une fois terminé. Je le portai à madonna Porzia, que je rencontrai avec la dame romaine dont j’ai déjà parlé. Elles furent toutes deux grandement satisfaites de mon travail : leurs éloges m’enhardirent au point que je leur promis que l’ouvrage serait moitié mieux que le mo-