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MÉMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

rayon de gaieté sur son merveilleux visage, qui d’ordinaire respirait la mélancolie, je me mettais quelquefois à donner du cornet. Tous ses traits s’épanouissaient alors d’un rire si pur et si gracieux, que je ne m’étonne plus aucunement des folies des dieux du ciel, que nous trouvons consignées dans les livres des Grecs. Si Paulino eût vécu de leur temps, il leur en aurait peut-être fait faire de plus grandes encore. Paulino avait une sœur nommée Faustina, dont la beauté était telle, que je doute qu’elle ait jamais été égalée par celle de la Faustina si vantée par les historiens de l’antiquité. Le père de Paulino me menait quelquefois à sa Vigna, et, autant que je pouvais en juger, ce brave homme désirait que je devinsse son gendre. Cela était cause que je m’occupais de musique plus que je ne l’avais fait jusqu’alors.

À cette époque, Gianiacomo, de Cesena, excellent fifre de la maison du pape, envoya le trombone Lorenzo, de Lucques, qui est aujourd’hui au service de notre duc, me demander si je voulais me joindre à eux, le 1er août, pour exécuter sur mon cornet la partie de soprano dans quelques beaux motets de leur choix. La musique est si admirable en soi, et j’étais si heureux de pouvoir faire plaisir à mon vieux père, que j’acceptai cette proposition, malgré le vif désir que j’avais d’achever le vase de l’évêque de Salamanque. Pendant une semaine entière, nous eûmes chaque jour une répétition de deux heures. Le 1er août, nous nous rendîmes au Belvédère, et tandis que sa Sainteté dînait, nous jouâmes les motets que nous avions étudiés. Clément VII déclara qu’il n’avait jamais entendu une musique plus suave et plus harmonieuse. Il appela Gianiacomo, s’enquit d’où et de quelle façon il s’était procuré un si bon cornet pour soprano, puis lui demanda des renseignements précis sur moi. Gianiacomo m’ayant nommé, le pape lui dit : — « C’est donc le fils de maestro Giovanni ? » —