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TROISIÈME PARTIE

puis enfin avec un peu d’aquarelle claire, c’est-à-dire de la couleur de chair bien liquide, passent sur le tout, le visage est coloré ; ils relèvent encore les reliefs avec un peu de blanc. Cette manière n’est pas mauvaise. D’autres couvrent d’abord le visage d’un ton de chair local, et le modèlent ensuite avec un peu de verdaccio et de couleur de chair, retouchant avec du blanc, et tout est fini. Ces manières sont celles de gens qui savent peu. Sois persuadé que ce que je te démontrerai sur l’art de colorer est la manière véritable, d’autant que Giotto le grand maître la tenait bonne pour lui.

Il eut pour disciple Taddeo Gaddi, Florentin, pendant vingt-quatre ans. Il était son tilleul. Taddeo eut pour descendant Agnolo, lequel Agnolo m’eut pendant douze ans, et il m’enseigna cette manière, avec laquelle lui, Agnolo, colora d’une manière plus vague et fraîche que ne fit Taddeo son père[1].

D’abord aie un vase ; mets-y si peu que rien de blanc de Saint-Jean et de cinabrese clair, autant de l’un que de l’autre, avec de l’eau claire rends le mélange liquide ; ton pinceau de soies doux bien tenu entre les doigts, comme dessus, ira sur le visage que tu as laissé ébauché avec de la terre verte promener cette couleur rosée sur les lèvres et les pommettes des joues. Mon maître posait le rouge des pommettes plus vers les oreilles que vers le nez, parce qu’elles ajoutent au modelé du visage. Fonds lesdites pommettes avec ce qui est autour. Alors aie trois vases que tu divises en trois différentes carnations, c’est-à-dire la plus obscure, la moitié plus claire que ta couleur rosée, et les deux autres plus claires par degrés. Or prends le

  1. Vasari aussi accorde cette qualité à Agnolo Gaddi, et seulement ajoute qu’il ne fut pas excellent dessinateur. (Voir Vasari, Vit. di Agnolo Gaddi.)