Aller au contenu

Page:Cerfberr - Contes japonais, 1893.pdf/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
contes japonais.

tu, à moi, pour prétendre à la fortune ? Ton père t’avait légué de l’argent, tu l’as dissipé et tu préfères courir les aventures, au lieu de chercher à regagner par le travail ce que tu as perdu par la débauche. Réponds, c’est là tout ce que tu m’offres en échange d’un trésor ?

Yori n’avait rien à répondre, il resta muet.

— J’en ai vu d’autres avant toi, reprit le génie, lesquels étaient aussi pauvres de bonnes actions et aussi riches d’ambition. Mais toi tu possèdes un trésor qui vaut à mes yeux ceux que je puis te donner. Voici donc ce que je te propose : tu puiseras à pleines mains dans mes coffres et tout ce que tu pourras emporter sera à toi. Mais tu laisseras ici cette jeune fille.

Yori fit un soubresaut ; mais au moment de crier : « Non ! » il eut une hésitation.

Qu’on lui pardonne ! Il venait de voir partir une à une toutes ses espérances, et voilà qu’on lui offrait tout ce qu’il avait rêvé, en échange d’une jeune fille qu’il connaissait à peine, à laquelle il n’avait pas eu le temps de s’attacher beaucoup, semblait-il, malgré ce qu’elle avait fait pour lui.

Et cependant il allait parler, lorsque Nareya, l’interrompant :

— J’accepte, dit-elle, et je m’estimerai satisfaite de mon sort.

Yori eut un mouvement de révolte.

— J’accepte, te dis-je, reprit-elle. Retourne vers Nikkô avec ces richesses tant désirées, et soyez heureux sans moi. Que ferais-je sur terre, seule, te sachant triste et sans consolation ? Qu’importe que l’un de nous soit privé du bonheur, si les autres peuvent le trouver dans son sacrifice. Pars donc ; moi, je reste.

— Tout ici est à toi, ajouta le roi des génies, fais un choix et prends ce qui te plaira. Un de mes gardes te guidera ensuite jusqu’aux confins de mes domaines.

Et, saisissant Nareya qui, brisée par l’émotion, s’était évanouie, il l’entraîna au dehors.