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La Petite Servante

I

Le joli palais aux toitures vernissées du daïmio Yotsu occupe, avec ses jardins, le sommet d’un coteau riant ; le cratère de Fusi-Yama se dresse à l’horizon ; la vue s’étend sur une plaine fertile et bien cultivée ; dans les fonds, le riz pousse abondamment, et des groupes d’hommes et de femmes, courbés vers l’eau où ils entrent à mi-jambes, se hâtent déjà pour le repiquage ; plus loin, c’est le thé, puis le mûrier au clair feuillage, qui tranche sur une forêt de pins, au dernier plan. Vers le milieu de cette fraîche vallée coule une rivière encore troublée par l’orage de la nuit ; une blonde buée imprime sur toutes ces choses une vague poésie, un charme qui va au cœur et qui, dans un instant, va se trouver dissipé par l’éclat brutal du soleil levant.

Le yé de Yotsu est tout de bois laqué, garni de shoji, panneaux de fenêtres en papiers ; ces panneaux, glissant dans les rainures, s’ouvrent au jour et permettent de voir au dehors, et aussi d’être vu. Qu’importe ! le Japonais ne cache pas sa vie et craint peu la curiosité ; mais si quelqu’un affectait de le dévisager, un paravent serait vite déployé devant ses yeux, et le maître lui-même, le maître