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la forêt enchantée.

jamais être assuré du lendemain ? une telle vie n’est-elle pas une mort de tous les instants ?

Kamô, dans tout ce que disait son père, comprit une seule chose : ses sœurs, qu’il avait cru mortes, étaient vivantes sans doute : il voulait les revoir.

Ce que son père avait tenté : pénétrer le secret de la forêt enchantée, il le ferait lui, avec des ressources et une volonté plus grandes, et il ne doutait pas de la réussite.

Hanko s’effraya de ce projet téméraire, tenta de l’en dissuader ; pendant quelques mois encore il fit taire sa douleur et ses regrets, le jeune homme rongeant son impatience ; mais une telle situation ne pouvait durer, et Kamô vint trouver son père, équipé pour le voyage, ses deux sabres passés à la ceinture.

— Je vais retrouver mes sœurs, dit-il, et je vous les ramènerai.

— Pars, mon fils. Mais souviens-toi de ton vieux père qui t’attend, et ne cherche pas à vaincre l’impossible. N’es-tu pas mon dernier enfant ?

VI

Voici Kamô, comme autrefois son père, sur la lisière de la forêt enchantée. Mais riche, jeune, beau, bien armé et plein de confiance, il y entrait en conquérant.

Deux serviteurs frayaient le chemin devant lui, à coups de tachi, un autre fermait la marche, le protégeant contre toute surprise ; la petite troupe était bien décidée à résister si elle était attaquée.

Le père n’avait pu donner aucune indication précise sur le chemin qu’il fallait suivre ; d’après ses souvenirs, cependant, le nid de l’aigle devait se trouver vers le soleil couchant. Le soir venu, dans cette direction on n’avait encore rien découvert.

Le lendemain, l’un des guides, se réveillant au petit jour, entendit au-dessus de sa tête un grand bruit d’ailes, et vit confusément