Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/30

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podio entra dans un tel accès de colère qu’il paraissait jeter feu et flammes par les yeux. « Que personne ne s’avise, s’écria-t-il, de violer le plus petit règlement de notre ordre ; il lui en coûterait la vie. Que la cica[1] se trouve, et si quelqu’un la recèle pour ne pas payer les droits, je lui donnerai toute la part qui lui revient, et je mettrai le reste de ma poche, car il faut à tout prix que l’alguazil s’en aille content. » Le portefaix recommença pour la troisième fois son serment, l’accompagnant de malédictions sur lui-même, et disant qu’il n’avait ni pris ni vu prendre cette bourse.

Tout cela ne faisait qu’enflammer davantage la fureur de Monipodio, et l’assemblée entière s’en émut, voyant qu’on violait ses statuts et ses sages règlements. À la vue de ces dissensions et de ce tumulte, Rinconète s’imagina qu’il serait bon de calmer ses confrères et de donner satisfaction à leur supérieur, qui bouillonnait de rage. Il entra en conseil avec son ami Cortadillo, et étant tombés d’accord, il tira la bourse du sacristain. « Cessez tout ce tapage, mon seigneur, s’écria-t-il ; voici la bourse, sans qu’il lui manque rien de ce qu’annonce l’alguazil. Aujourd’hui mon camarade Cortadillo l’a attrapée, avec ce mouchoir qu’il a pris au même maître par-dessus le marché. » Aussitôt Cortadillo tira de son sein le mouchoir, et le mit en évidence. À cette vue, Monipodio s’écria : « Cortadillo-le-Bon, car ce titre et ce surnom vous restera désormais, gardez le mouchoir, et je prends à ma charge le paiement de ce service. Quant à la bourse, l’alguazil va l’emporter, car elle

  1. La bourse.