Page:Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduction Viardot, 1836, tome 1.djvu/29

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avancée ; mais, dans l’intervalle, Freire avait fait faillite, et s’était enfui d’Espagne. Cervantès retourna aussitôt à Séville, où il trouva tous les biens de son débiteur saisis par d’autres créanciers. Il adressa requête au roi, et un décret du 7 août 1595 ordonna au docteur Bernardo de Olmedilla, juge de los grados à Séville, de prendre par privilège, sur les biens de Freire, la somme que lui avait remise Cervantès. Ce juge en opéra effectivement la rentrée, et adressa cette somme au trésorier-général Don Pedro Mesia de Tobar, par une lettre de change tirée le 22 novembre 1596.

Le tribunal de la Contaduria mettait alors la plus grande sévérité dans l’apurement des comptes de tous les employés du trésor, dont les caisses s’étaient entièrement épuisées par la conquête du Portugal et de Terceire, par les campagnes de Flandre, la destruction de la flotte invincible, et les essais ruineux qu’on avait laissé faire à plusieurs de ces charlatans financiers appelés alors arbitristas. Le percepteur principal, dont Cervantès n’avait été que l’agent, fut mandé à Madrid pour rendre ses comptes. Il représenta que tous les documents sur lesquels il pouvait les établir étaient à Séville entre les mains de Cervantès. Une cédule royale, du 6 septembre 1597, ordonna, sans autre forme de procès, au juge Gaspar de Vallejo, de faire arrêter celui-ci, et de l’envoyer sous escorte à la prison de la capitale, où il serait à la disposition du tribunal des comptes. Cervantès, en effet, fut immédiatement mis en prison ; mais ayant offert des garanties pour le paiement de 2, 641 réaux (environ 670 francs), à quoi se réduisait le déficit dont il était accusé, il fut relâché en vertu d’une seconde cédule datée du 1er décembre de la même année, sous la condition qu’il se présenterait à la Contaduria dans le terme de trente jours, et paierait le solde de ses comptes.

On ne sait comment se termina cette première poursuite dirigée contre Cervantès ; mais, quelques années après, il fut inquiété de nouveau pour la même misérable somme de 2, 641 réaux. Le percepteur de Baza, Gaspar Osorio de Tejada, présenta dans ses comptes, à la fin de 1602, un récépissé de Cervantès constatant que cette somme lui avait été remise lorsqu’il était commissionné, en 1594, pour le recouvrement des rentes arriérées de cette ville et de son district. Consultés sur ce point, les membres de la Contaduria-mayor adressèrent un rapport, daté de Valladolid, le 24 janvier 1603, où ils rendaient compte de l’arrestation de Cervantès en 1597, à propos de la même somme, et de son élargissement sous caution, ajoutant que, depuis lors, il n’avait point paru devant le tribunal. Ce fut à cette occasion que Cervantès se rendit, avec toute sa famille, à Valladolid, où, depuis deux ans, Philippe III avait porté la cour. On a effectivement retrouvé la preuve que, le 8 février 1603, sa sœur Doña Andrea s’occupait à réparer l’équipage et la garde-robe d’un certain Don Pedro de Toledo Osorio, marquis de Villafranca, qui revenait de l’expédition d’Alger. Il y