Page:Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduction Viardot, 1836, tome 1.djvu/710

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main l’audacieux chevalier qui s’est jeté dans les flots bouillants du lac, et le conduit, sans dire un mot, dans l’intérieur de la forteresse ou du palais. Après l’avoir déshabillé, nu comme sa mère l’a mis au monde, elle le baigne dans des eaux tièdes, le frotte d’onguents de senteur, et le revêt d’une chemise de fine percale, toute parfumée d’odeurs exquises ; puis, une autre damoiselle survient qui lui jette sur les épaules une tunique qui vaut au moins, à ce qu’on dit, une ville tout entière, et même davantage. Quoi de plus charmant, quand on nous conte ensuite qu’après cela ces dames le mènent dans une autre salle, où il trouve la table mise avec tant de magnificence qu’il en reste tout ébahi ! quand on lui verse sur les mains une eau toute distillée d’ambre et de fleurs odorantes !

quand on lui offre un fauteuil d’ivoire ! quand toutes les damoiselles le servent en gardant un merveilleux silence ! quand on lui apporte tant de mets variés et succulents que l’appétit ne sait où choisir et tendre la main ! quand on entend la musique qui joue tant qu’il mange, sans qu’on sache ni qui la fait, ni d’où elle vient ! et quand enfin, lorsque le repas est fini et le couvert enlevé, lorsque le chevalier, nonchalamment penché sur le dos de son fauteuil, est peut-être à se curer les dents, selon