Page:Châteaubriant, Alphonse de - Monsieur des Lourdines, 1912.djvu/207

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tête-à-tête, il s’était mis au lit, s’était dit malade, trop faible pour supporter une conversation. Et, depuis ce moment-là, partagé entre son deuil, sa douleur de père, de soudaines poussées d’animosité et l’effroi que lui inspirait l’explication inévitable, il restait dans sa chambre, caché derrière ses rideaux, pareil à un animal blessé. Tous les matins, la visite de son fils le mettait au supplice. Plusieurs fois il avait été sur le point d’ouvrir la bouche, mais toujours il l’avait laissé partir, stupéfié de n’avoir encore rien dit, honteux de sa faiblesse, et la justifiant par mille bonnes raisons : « Le silence est un levier d’énergie ; ce délai lui laissait les loisirs de la réflexion ; le mal accompli ne s’efface pas avec des reproches ! »

Mais s’il craignait ainsi les mots c’est que, malgré tout, en dépit de tous ses griefs, il ne pouvait s’empêcher d’aimer son fils. Quelque chose, quand même, dans son cœur, échappait aux ravages des faits, et de toute cette destruction se dégageait encore une âme de tendresse qui ne voulait point mourir.