Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/108

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Se plaisent à les suivre et retrouvent la paix.
Par vous, Muses, par vous, franchissant les collines,
Soit que j’aime l’aspect des campagnes Sabines,
Soit Catile ou Falerne et leurs riches côteaux,
Ou l’air de Blandusie et l’azur de ses eaux :
Par vous de l’Anio j’admire le rivage,
Par vous de Tivoli le poétique ombrage,
Et de Bacchus assis sous des antres profonds,
La Nymphe et le Satyre écoutant les chansons.
Par vous la rêverie errante, vagabonde,
Livre à vos favoris la nature et le monde ;
Par vous, mon ame au gré de ses illusions
Vole et franchit les temps, les mers, les nations
Va vivre en d’autres corps, s’égare, se promène ;
Est tout ce qu’il lui plaît, car tout est son domaine.

Ainsi, bruyante abeille, au retour du matin
Je vais changer en miel les délices du thim.
Rose, un sein palpitant est ma tombe divine.
Frêle atome d’oiseau, dé leur molle étamine
Je vais sous d’autres cieux dépouiller d’autres fleurs..
Le papillon plus grand offre moins de couleurs.
Et l’Orénoque impur, la Floride fertile,
Admirent qu’un oiseau si tendre, si débile ;
Mêle tant d’or, de pourpre, en ses riches habits ;
Et pensent dans les airs voir nager des rubis.
Sur un fleuve souvent l’éclat de mon plumage
Fait à quelque Léda souhaiter mon hommage.
Souvent, fleuve moi-même, en mes humides bras
Je presse mollement des membres délicats,