Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/14

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toute hypocrisie et tout arbitraire : il ne voulait pas plus, comme il l’a dit lui-même, des fureurs démocratiques que des iniquités féodales ; des brigands à piques que des brigands à talons rouges ; de la tyrannie des patriotes que de celle de la Bastille ; des priviléges des dames de cour que de ceux des dames de halle. Il eût rougi de choisir entre Coblentz et les jacobins. On le verra, au péril de cette vie qui lui fut arrachée, s’offrir à défendre Louis XVI ; et quand la cause d’une grande infortune lui parut sacrée, la plume qu’il lui prêta avait tracé les plus fortes paroles qu’on ait écrites contre cette résistance que le pouvoir monarchique voudrait opposer à la juste liberté des peuples. Cependant les événemens se précipitaient. Chénier avait mérité la haine des factieux ; il avait célébré Charlotte Corday, flétri Collot-d’Herbois, attaqué Robespierre ; et Je procès de Louis XVI vint réveiller la vengeance de ses puissans ennemis. Après avoir épuisé, dans les journaux du temps, tout ce que la raison des ames généreuses pouvait avoir de force pour faire changer les formes de cette procédure, il proposa à M. de Malesherbes de partager près du Roi les périls de sa tâche ; et lorsque la sentence mortelle fut prononcée, son dévouement sembla redoubler.

On sait, que le Roi avait demandé à l’Assemblée, par une lettre pleine de calme et de dignité,