Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/183

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Alors je vis s’unir ces deux bouches perfides.
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Je vis de ses beaux flancs l’albâtre ardent et pur,
Lis, ébène, corail, roses, veines d’azur ;
Telle enfin qu’autrefois tu me l’avais montrée
De sa nudité seule embellie et parée,
Quand vos nuits s’envolaient, quand le mol oreiller
La vit sous tes baisers dormir et s’éveiller ;
Et quand tes cris joyeux vantaient ma complaisance,
Et qu’elle, en souriant, maudissait ma présence.
En vain, au dieu d’amour que je crus ton appui,
Je demandai la voix qu’il me donne aujourd’hui.
Je voulais reprocher tes pleurs à l’infidèle,
Je l’aurais appelée ingrate, criminelle.
Du moins pour réveiller dans leur profane sein
Le remords, la terreur, je m’agitai soudain,
Et je fis à grand bruit de la mèche brûlante
Jaillir en mille éclairs la flamme pétillante.
Elle pâlit, trembla, tourna sur moi les yeux,
Et d’une voix mourante, elle dit : « Ah ! grands dieux !
» Faut-il, quand tes désirs font taire mes murmures,
» Voir encor ce témoin qui compte mes parjures ! »
Elle s’élance ; et lui, la serrant dans ses bras,
La retenait, disant : « Non, non, ne l’éteins pas. »

Je cessai de brûler : suis mon exemple ; cesse.,
On aime un autre amant, aime une autre maîtresse :
Souffle sur ton amour, ami, si tu me croi,
Ainsi que pour m’éteindre elle a soufflé sur moi.