Mais que beaucoup d’amis, accueillis dans mes bras,
Se partagent ma vie et pleurent mon trépas
Que ces doctes héros, dont la main de la gloire
À consacré les noms au temple de Mémoire,
Plutôt que leurs talens, inspirent à mon cœur
Les aimables vertus qui firent leur bonheur ;
Et que de l’amitié ces antiques modèles
Reconnaissent mes pas sur leurs traces fidèles.
Si le feu qui respire en leurs divins écrits
D’une vive étincelle échauffa nos esprits ;
Si leur gloire en nos cœurs souffle une noble envie ;
Oh ! suivons donc aussi l’exemple de leur vie :
Gardons d’en négliger la plus belle moitié ;
Soyons heureux comme eux au sein de l’amitié.
Horace, loin des flots qui tourmentent Cythère,
Y retrouvait d’un port l’asile salutaire ;
Lui-même au doux Tibulle, à ses tristes amours,
Prêta de l’amitié les utiles secours.
L’amitié rendit vains tous les traits de Lesbie,
Elle essuya les yeux que fit pleurer Cinthie.
Virgile n’a-t-il pas, d’un vers doux et flatteur,
De Gallus expirant consolé le malheur ?
Voilà l’exemple saint que mon cœur leur demande.
Ovide, ah ! qu’à mes yeux ton infortune est grande.
Non pour n’avoir pu faire aux tyrans irrités
Agréer de tes vers les lâches faussetés :
Je plains ton abandon, ta douleur solitaire.
Pas un cœur, qui du tien zélé dépositaire,
Vienne adoucir ta plaie, apaiser ton effroi,
Et consoler tes pleurs, et pleurer avec toi !
Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/203
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