Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/210

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Le cèdre, dans son germe invisible à nos yeux,
Médite ces rameaux qui toucheront les cieux.
Ton laurier doit un jour ombrager le Parnasse ;
J’entrevois sa hauteur dans sa naissante audace,
Si, modeste en son luxe, et docile aux Neuf Sœurs,
Il permet de leurs soins les heureuses lenteurs.

Non, non : j’en ai reçu ta fidèle promesse ;
Tu ne trahiras point les nymphes du Permesse ;
Non, tu n’iras jamais, oubliant leurs amours,
Adorer la fortune et ramper dans les cours.
Ton front ne ceindra pas la mitre et le scandale ;
Tu n’iras point, des lois embrouillant le dédale,
Consumer tes beaux jours à dormir sur nos lis,
Et vendre à ton réveil les arrêts de Thémis,

Ton jeune cœur, épris d’une plus noble gloire,
À choisi le sentier qui mène à la victoire.
Les armes sont tes jeux : vole à nos étendards ;
Les muses te suivront sous les tentes de Mars.
Les muses enflammaient l’impétueux Eschyle.
J’aime à voir une lyre aux mains du jeune Achille.
Un cœur ivre de gloire et d’immortalité
Porte dans les combats un courage indompté.
Du vainqueur des Persans la jeunesse guerrière
Toujours à son épée associait Homère.
Frédéric, son rival, n’a-t-il pas sous nos yeux
Fait parler Mars lui-même, en vers mélodieux ?
Couché sur un drapeau’, noir de sang et de poudre,
N’a-t-il pas, d’une main qui sut lancer la foudre,
Avec grâce touché la lyre des Neuf Sœurs,