Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/231

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Ces roses de pudeur, charmes plus séduisans ;
Et remplir tes regards, tes lèvres, ton langage,
De ce miel dont le sage
Cherche lui-même en vain à défendre ses sens.

Ô ! que n’ai-je moi seul tout l’éclat et la gloire
Que donnent les talens, la beauté, la victoire,
Pour fixer sur moi seul ta pensée et tes yeux !
Que loin de moi, ton cœur fût plein de ma présence
Comme, dans ton absence,
Ton aspect bien-aimé m’est présent en tous lieux.

Je pense : Elle était là. Tous disaient : « Qu’elle est belle ! »
Tels furent ses regards, sa démarche fut telle,
Et tels ses vêtemens, sa voix et ses discours.
Sur ce gazon assise, et dominant la plaine,
Des Méandres de Seine,
Rêveuse, elle suivait les obliques détours.

Ainsi dans les forêts j’erre avec ton image :
Ainsi le jeune faon, dans son désert sauvage,
D’un plomb volant percé, précipite ses pas.
Il emporte en fuyant sa mortelle blessure ;
Couché près d’une eau pure,
Palpitant, hors d’haleine, il attend le trépas.