Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/26

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Et du tempe des arts que la gloire environne
Vos mains ont élevé la première colonne.
À nous tous aujourd’hui, vos faibles nourrissons,
Votre exemple a dicté d’importantes leçons.
Il nous dit que nos mains, pour vous être fidèles,
Y doivent élever des colonnes nouvelles.
L’esclave imitateur naît et s’évanouit ;
La nuit vient, le corps reste, et son ombre s’enfuit.
Ce n’est qu’aux inventeurs que la vie est promise :
Nous voyons les enfans de la fière Tamise,
De toute servitude ennemis indomptés,
Mieux qu’eux, par votre exemple, à vous vaincre excités.
Osons ; de votre gloire éclatante et durable
Essayons d’épuiser la source inépuisable.
Mais inventer n’est pas, en un brusque abandon,
Blesser la vérité, le bon sens, la raison ;
Ce n’est pas entasser, sans dessein et sans forme,
Des membres ennemis en un colosse énorme ;
Ce n’est pas, élevant des poissons dans les airs,
À l’aile des vautours ouvrir le sein des mers ;
Ce n’est pas, sur le front d’une nymphe brillante,
Hérisser d’un lion la crinière sanglante :
Délires insensés ! fantômes monstrueux !
Et d’un cerveau malsain rêves tumultueux !
Ces transports déréglés, vagabonde manie,
Sont l’accès de la fièvre et non pas du génie :
D’Ormus et d’Ariman ce sont les noirs combats,
Où partout confondus, la vie et le trépas,
Les ténèbres, le jour, la forme et la matière,
Luttent sans être unis ; mais l’esprit de lumière