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Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/53

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Et depuis le chaos les amours immortelles.
D’abord le Roi divin, et l’Olympe et les Cieux
Et le Monde, ébranlés d’un signe de ses yeux ;
Et les dieux partagés en une immense guerre,
Et le sang plus qu’humain venant rougir la terre,
Et les rois assemblés, et sous les pieds guerriers,
Une nuit de poussière, et les chars meurtriers ;
Et les héros armés, brillans dans les campagnes,
Comme un vaste incendie aux cimes des montagnes.
Les coursiers hérissant leur crinière à longs flots,
Et d’une voix humaine excitant les héros.
De là, portant ses pas dans les paisibles villes,
Les lois, les orateurs, les récoltes fertiles.
Mais bientôt de soldats les remparts entourés,
Les victimes tombant dans les parvis sacrés,
Et les assauts, mortels aux épouses plaintives,
Et les mères en deuil, et les filles captives ;
Puis aussi les moissons joyeuses, les troupeaux
Bêlans ou mugissans, les rustiques pipeaux,
Les chansons, les festins, les vendanges bruyantes,
Et la flûte et la lyre, et les notes dansantes ;
Puis, déchaînant les vents à soulever les mers,
Il perdait les nochers sur les gouffres amers.
De là, dans le sein frais d’une roche azurée,
En foule il appelait les filles de Nérée,
Qui bientôt, à des cris, s’élevant sur les eaux,
Aux rivages troyens parcouraient des vaisseaux ;
Puis il ouvrait du Styx la rive criminelle,
Et puis les demi-dieux et les champs d’Asphodèle,
Et la foule des morts ; vieillards seuls et souffrans,