Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/59

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LE CHEVRIER.

Hélas ! que je te trouve à plaindre
Oui, l’esclavage est dur ; oui, tout mortel doit craindre
De servir, de plier sous une injuste loi ;
De vivre pour autrui, de n’avoir rien à soi.
Protége-moi toujours, Ô liberté chérie !
Ô mère des vertus, mère de la patrie !

LE BERGER.

Va, patrie et vertu ne sont que de vains noms.
Toutefois, tes discours sont pour moi des affronts :
Ton prétendu bonheur et m’afflige et me brave ;
Comme moi, je voudrais que tu fusses esclave.

LE CHEVRIER.

Et moi, je te voudrais libre, heureux comme moi.
Mais les dieux n’ont-ils point de remède pour toi ?
Il est des baumes doux, des lustrations pures
Qui peuvent de notre ame assoupir les blessures,
Et de magiques chants qui tarissent les pleurs.

LE BERGER.

Il n’en est point ; il n’est pour moi que des douleurs
Mon sort est de servir, il faut qu’il s’accomplisse.
Moi, j’ai ce chien aussi qui tremble à mon service ;
C’est mon esclave aussi. Mon désespoir muet
Ne peut rendre qu’à lui tous les maux qu’on me fait.

LE CHEVRIER.

La terre, notre mère, et sa douce richesse
Ne peut-elle du moins égayer ta tristesse ?