Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/61

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N’ont-ils donc rien qui plaise à ton ame insensible ?
N’aimes-tu point à voir les jeux de tes agneaux ?
Moi, je me plais auprès de mes jeunes chevreaux ;
Je m’occupe à leurs jeux ; j’aime leur voix bêlante ;
Et quand sur la rosée et sur l’herbe brillante
Vers leur mère en criant je les vois accourir,
Je bondis avec eux de joie et de plaisir.

LE BERGER.

Ils sont à toi : mais moi j’eus une autre fortune ;
Ceux-ci de mes tourmens sont la cause importune.
Deux fois, avec ennui, promenés chaque jour,
Un maître soupçonneux nous attend au retour.
Rien ne le satisfait ; ils ont trop peu de laine ;
Ou bien ils sont mourans, ils se traînent à peine ;
En un mot, tout est mal. Si le loup quelquefois
En saisit un, l’emporte et s’enfuit dans les bois,
C’est ma faute ; il fallait braver ses dents avides.
Je dois rendre les loups innocens et timides.
Et puis menaces, cris, injure, emportemens,
Et lâches cruautés qu’il nomme châtimens.

LE CHEVRIER.

Toujours à l’innocent les dieux sont favorables :
Pourquoi fuir leur présence, appui des misérables ?
Autour de leurs autels, parés de nos festons,
Que ne viens-tu danser, offrir de simples dons,
Du. chaume, quelques fleurs, et par ces sacrifices
Te rendre Jupiter et les nymphes propices ?

LE BERGER.

Non : les danses, les jeux, les plaisirs des bergers,