Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/79

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» Recevra sans douleur sa vieillesse sacrée,
» Qu’il laisse avec ses biens ses vertus pour appui
» À des fils s’il se peut encor meilleurs que lui.

» — Hôte des malheureux, le sort inexorable
» Ne prend point Ies avis de l’homme secourable.
» Tous, par sa main de fer en aveugles poussés,
» Nous vivons ; et tes vœux ne sont point exaucés.
» Cléotas est perdu, son injuste patrie
» L’a privé de ses biens ; elle a proscrit sa vie.
» De ses concitoyens dès long-temps envié,
» De ses nombreux amis en un jour oublié,
» Au lieu de ces tapis qu’avait tissus l’Euphrate,
» Au lien de ces festins brillans d’or et d’agathe,
» Où ses hôtes, parmi les chants, harmonieux,
» Savouraient jusqu’au jour les vins délicieux,
» Seul maintenant, sa faim visitant les feuillages,
» Dépouille les buissons de quelques fruits sauvages ;
» Ou chez le riche altier apportant ses douleurs,
» Il mange un pain amer tout trempé de ses pleurs.
» Errant et fugitif, de ses beaux jours de gloire
» Gardant, pour son malheur, la pénible mémoire,
» Sous les feux du midi, sous le froid des hivers,
» Seul, d’exil en exil, de déserts en déserts,
» Pauvre et semblable à moi, languissant et débile,
» Sans appui qu’un bâton, sans foyer, sans asile,
» Revêtu de ramée ou de quelques lambeaux,
» Et sans que nul mortel attendri sur ses maux,
» D’un souhait de bonheur le flatte et l’encourage ;
» Les torrens et la mer, l’aquilon et l’orage,