Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/109

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pour longtemps le reste de l’Europe ; -nous la reculons de plusieurs siècles ; nous appesantissons ses chaînes, nous relevons l’orgueil des tyrans ; le seul exemple de la France, rappelé par eux aux nations qui essaieraient de devenir libres, leur feront baisser les. yeux : « Que ferons-nous ? se diraient-elles : avons-nous plus de lumières, plus de ressources que les Français ? Sommes-nous plis riches, plus braves, plus nombreux ? Regardons ce qu’ils sont devenus, et tremblons. » La liberté serait calomniée ; nos fautes, nos folies, nos perversités ne seraient imputées qu’à elle ; elle-même serait renvoyée parmi ces rêves philosophiques, vains enfants de l’oisiveté ; le spectacle de la France s’élèverait comme un épouvantail sinistre pour protéger partout les abus, et mettre en fuite toute idée de réforme et d’un meilleur ordre de choses ; et la vérité, la raison, l’égalité, n’oseraient se montrer sur la terre que lorsque le nom français serait effacé de la mémoire des hommes.

Dirait-on que c’est exagérer les conséquences, que c’est s’alarmer trop tôt, tandis que déjà, en plusieurs endroits, le peuple refuse violemment de payer des contributions justes, que l’on ne peut ni ne doit supprimer ; tandis qu’une sédition contagieuse semble se répandre dans l’armée ; tandis que plusieurs de nos villes sont épouvantées des fureurs de, soldats dignes des châtiments les plus sévères ; de soldats qui pillent les caisses de leurs régiments, qui outragent, emprisonnent, menacent leurs officiers ; de soldats dont la nation avait amélioré le sort de toute manière ; de soldats qui sont venus assister à une des plus imp