Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/111

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liberté elle-même ; et, comme le souvenir des maux passés s’efface promptement, finissait par regretter l’antique joug sous lequel il rampait sans trouble. Ces mêmes personnes ne cessent de nous répéter que les choses se conservent par les mêmes moyens qui les ont acquises. Si par-là elles veulent dire qu’il faut du courage, de l’activité, de l’union, pour conserver sa liberté comme pour la conquérir, rien n’est plus indubitable, et ne touche moins à la question ; mais si elles entendent que dans les deux cas, ce courage, cette activité, cette union ; doivent se manifester de la même manière et par les mêmes actions, cela n’est pas vrai ; c’est le contraire qui est vrai : car, pour détruire et renverser un colosse de puissance illégitime, plus le courage est ardent, emporté, rapide, plus le succès est assuré. Mais après cela, quand la place est préparée, quand il faut reconstruire sur de vastes et durables fondements, quand il faut faire après avoir défait : alors le courage doit être précisément le contraire de ce qu’il était d’abord ; il doit être calme, prudent, réfléchi ; il ne doit se manifester qu’en sagesse, en ténacité, en patience ; il doit craindre de ressembler aux torrents qui ravagent et n’arrosent pas : d’où il suit que les« moyens qui ont opéré la révolution ; employés seuls et de la même manière, ne pourraient qu’en détruire l’effet, en empêchant la constitution de s’établir ; d’où il suit encore que ces :écrivains de fougueux pamphlets, ces effrénés démagogues qui, ennemis, comme nous l’avons vu, de tout gouvernement ; de toute discipline, tonnèrent, au commencement de la révolution, contre les antiques abus., se trouvèrent