Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/148

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terre, prêchent la liberté et l’égalité, comme les mystères d’Eleusis ou d’Ephèse ; traduisent la déclaration des droits de l’homme en doctrine occulte et en jargon mythologique, et changent les législateurs en obscurs hiérophantes. Ceux-là pourraient n’être que ridicules, si pourtant il n’était pas toujours prudent de se méfier de ces gens à qui la franche et simple vérité ne suffît pas, à qui la raison ne saurait plaire, si elle n’emprunte les habits de la folie et du mensonge ; et qui ont plus de plaisir à voir une agrégation d’initiés fanatiques, qu’une vaste société d’hommes libres, tranquilles et sages. voilà quelles querelles politiques, succédant aux querelles scolastiques et aux querelles théologiques, mais traitées de la même manière, dans le même esprit, avec les mêmes sophismes (car le caractère de l’espèce humaine ne change point), aigrissent aujourd’hui les sociétés, divisent les familles, et jettent de telles semences de haines et de calomnies, que les plus absurdes accusations de vols, d’empoisonnements, d’assassinats secrets, sont familières à tous les partis, et n’étonnent plus personne. Chacun, dans sa puérile vanité, appelant vertu, sagesse, probité, son amour pour ses opinions, déclare malhonnête homme quiconque ne pense pas comme lui, assure qu’il a tout fait, qu’il fait tout, que sans lui tout serait perdu ; crie, menace, cherche à intimider, et embrasse avidement ou repousse avec horreur des choses qu’il connaît mal, et des mots dont il a négligé de comprendre le sens. J’en donnerai un exemple. Plusieurs partis se réunissent à