Prends : sur ce buis, fertile en agréables sons,
Tu pourras des oiseaux imiter les chansons.
Non, garde tes présents. Les oiseaux de ténèbres,
La chouette et l’orfraie, et leurs accents funèbres :
Voilà les seuls chanteurs que je veuille écouter ;
Voilà quelles chansons je voudrais imiter.
Ta flûte sous mes pieds serait bientôt brisée :
Je bais tous vos plaisirs. Les fleurs et la rosée,
Et de vos rossignols les soupirs caressants,
Rien ne plaît à mon cœur, rien ne flatte mes sens ;
Je suis esclave.
Hélas ! que je te trouve à plaindre !
Oui, l’esclavage est dur ; oui, tout mortel doit craindre
De servir, de plier sous une injuste loi,
De vivre pour autrui, de n’avoir rien à soi.
Protège-moi toujours, ô Liberté chérie !
mère des vertus, mère de la patrie !
Va, patrie et vertu ne sont que de vains noms.
Toutefois tes discours sont pour moi des affronts :
Ton prétendu bonheur et m’afflige, et me brave ;
Comme moi, je voudrais que tu fusses esclave.
Et moi, je te voudrais libre, heureux comme moi.
Mais les dieux n’ont-ils point de remède pour toi ?
Il est des baumes doux, des lustrations pures
Oui peuvent de notre âme assoupir les blessures,
Et de magiques chants qui tarissent les pleurs.