Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/162

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Néère, ne va plus le confier aux flots,
De peur d’être déesse, et que les matelots,
N’invoquent, au milieu de la tourmente amère,
La blanche Galatée et la blanche Néère[1].



XIV[2]

SUR UN GROUPE
DE JUPITER ET D’EUROPE


Des nymphes et des satyres chantent dans une grotte qu’il faut peindre bien romantique[3], pittoresque, divine, en soupant avec des coupes ciselées. Chacun chante le sujet représenté sur la coupe ; l’un : « Étranger, ce taureau…[4] » l’autre, Pasiphaé[5] ; d’autres, d’autres…

Étranger, ce taureau que tu vois fendre les flots et nager vers Crète, avec une jeune fille qui tient sa corne, qui tremble, qui cherche à voir sa patrie, qui appelle ses compagnes, tactumque vereri assilientis aquœ timidasque reducere plantas (Ovid., VI, v. 106), ce nageur mugissant, ce taureau, c’est un dieu… Dans ses traits de taureau, tu reconnais les traits de Jupiter amoureux d’Europe, de la fille d’Agénor ; il est descendu au rivage de Phénicie, beau, délicat, l’objet des vœux de toutes les génisses ; la fille d’Agénor a osé s’asseoir sur lui, il s’est lancé dans les flots, il nage, il a déjà passé Chypre et Rhodes…[6]

  1. Le nom de Néère rattache seul ces quatre vers au morceau précédent.
  2. Édition 1819.
  3. J.-J. Rousseau avait déjà employé ce mot dans les Rêveries d’un Solitaire.
  4. C’est la pièce qui suit.
  5. C’est probablement le morceau qu’on trouvera un peu plus loin, n° XXVIII.
  6. Esquisse du morceau suivant.