Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/298

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Quand il tremble, de loin, qu’un séducteur habile
Vienne et la sollicite et la trouve docile.
Mais que pouvais-je, hélas ! Et dois-je me blâmer ?
Ô D’…z…, je t’ai vue, il fallait bien t’aimer.
Il fallait bien, D’…z…, que ma muse enflammée
Chantât pour caresser ma belle bien aimée ;
Elle pleure à tes pieds, les yeux pleins de langueur :
Puisse-t-elle à mes feux intéresser ton cœur !

Au retour d’un festin, seule, ô Dieux ! sur ta couche,
Si cet heureux papier s’approchait de ta bouche !
Enfermé dans la soie, ô si ta belle main
Daignait le retrouver, le presser sur ton sein !
Je le saurai ; l’amour volera m’en instruire.
Dans l’âme d’un poète un Dieu même respire.
Et ton cœur ne pourra me faire un si grand bien
Sans qu’un transport subit avertisse le mien.
Fais-le naître, ô D’…z…, alors toutes mes peines
S’adoucissent. Alors dans mes paisibles veines
Mon sang coule en flots purs et de lait et de miel,
Et mon âme se croit habitante du ciel.