Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/36

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quoique courbé et plié un moment, n’en a pas moins un désir invicible d’être droit et ne s’en redresse pas moins dès qu’il le peut. Pourtant, quand une longue habitude l’a tenu courbé, il ne se redresse plus ; cela fournit un autre emblème :

....Trahitur pars longa catenæ (Perse)[1].
........Et traîne
Encore après ses pas la moitié de sa chaîne. »

Le troisième chant devait embrasser la politique et la religion utile qui en dépend, la constitution des sociétés, la civilisation enfin, sous l’influence des illustres sages, des Orphée, des Numa, auxquels le poète assimilait Moïse. Les fragments, déjà imprimés, de l’Hermès, se rapportent plus particulièrement à ce chant final : aussi je n’ai que peu à en dire.

« Chaque individu dans l’état sauvage, écrit Chénier, est un tout indépendant ; dans l’état de société, il est partie du tout ; il vit de la vie commune. Ainsi, dans le chaos des poètes, chaque germe, chaque élément est seul et n’obéit qu’à son poids ; mais quand tout cela est arrangé, chacun est un tout à part, et en même temps une partie du grand tout. Chaque monde roule sur lui-même et roule aussi autour du centre. Tous ont leurs lois à part, et toutes ces lois diverses tendent à une loi commune et forment l’univers :

Mais ces soleils assis dans leur centre brûlant,
Et chacun roi d’un monde autour de lui roulant,

  1. Satire V : l’image, dans Perse, est celle du chien qui, après de violents efforts, arrache sa chaîne, mais en tire un long bout après lui.