Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/75

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soi-disant philosophiques, de facéties galantes et de gentillesses libertines, découlant de la plume d’un bel esprit formé à l’école de Danton. Se séparant, pour le mieux flétrir, du faux bon ton qui n’avait jamais été le sien, et revendiquant le vrai bon ton éternel et naturel, celui qui est tel pour toute âme bien née, et qu’aucune révolution n’est en droit d’abolir : «. Tout homme qui a une âme bonne et franche, s’écriait-il, n’a-t-il pas en soi une justesse de sentiment et de pensées, une dignité d’expressions, une gaieté facile et décente, un respect pour les vraies bienséances, qui est en effet le bon ton, puisque l’honnêteté n’en aura jamais d’autre ? »

Une autre de ses indignations et de ses colères, qui causa finalement sa perte par l’offense mortelle qu’il fit à Collot d’Herbois, est celle que lui causa la fête triomphale décernée (ou tolérée) par la Ville de Paris eu l’honneur des Suisses de Châteauvieux. Il faut se rappeler que ces soldats, après s’être révoltés à Nancy deux années auparavant et avoir pillé la caisse du régiment, avaient été, au nombre de quarante ou cinquante, condamnés aux galères d’après les lois de la justice fédérale en vigueur parmi les troupes suisses. Non content de les amnistier en mars 1792, on voulut encore les célébrer, et Collot d’Herbois fit la motion factieuse de leur décerner un honneur public. Tout à l’heure, c’était l’écrivan et l’homme de goût, dans Chénier, qui se révoltait contre Manuel ; ici, c’est le militaire qui prend feu contre Collot d’Herbois, c’est le gentilhomme qui a porté l’épée et qui sait ce que c’est que la religion du drapeau. Lui, qui eût été