Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/154

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L’Américaine qui va pleurer sur le tombeau de son enfant et y exprimer du lait de ses mamelles.


Déguise son courroux qu’il mûrit en silence,
El dans son cœur profond enfouit sa vengeance.


Le prince américain qui racontera la mort de Guatimozin et de son suivant et ce beau mot : Et moi, suis-je sur un lit de roses ? les peindra allant au supplice ; Guatimozin en silence… l’autre s’écriant : vous, feux éternels qui éclairez les cieux ! Toi, soleil, notre père ! et vous, astres des nuits ! ô cieux ! ô terre ! ô mers ! voyez, etc…

Un prédicateur peindra la mort du Messie… La terre tremblante… Les tombeaux ouverts… La nuit… cette nuit ne fut point l’effet du mouvement de la terre ; une partie du globe ne fut point éclairée et l’autre dans l’obscurité… La lune ne passa point entre la terre et le soleil pour intercepter la lumière… Non, l’antique nuit, la mère du chaos, celle à qui appartenait le monde avant que la lumière fût créée, sortit de son antre… Elle entoura le soleil d’un voile noir pour qu’il ne fut pas témoin… Elle étendit le deuil sur toutes les sphères qui composent notre univers. Toutes pleurèrent la mort de leur créateur.


Le sommeil, doux frère de la mort.....


M. de Chastelux écrit avoir vu chez Mme Beech, la fille de M. Franklin, deux mille deux cents chemises faites par les dames et les demoiselles d’Amérique pour les soldats américains. Chacune avait mis son nom… Ce lin qui sera trempé des sueurs qui couleront pour la liberté.[1]


  1. Voyage dans l’Amérique septentrionale en 1780, 1781, 1782. 2 vol. in-8o. Paris, 1786, t. I, p. 165.