Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/169

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Amuse-là des jeux qu’invente le caprice ;
Lasse sa patience à mille tours malins,
Ris et de sa faiblesse et de ses cris mutins.
Tu braves tant de fois sa menace éprouvée,
Elle vole, tu fuis ; la main déjà levée,
Elle te tient, te presse ; elle va te punir.
Mais vos bouches déjà ne cherchent qu’à s’unir,
Le ciel d’un feu plus beau luit après un orage.
L’amour fait à Paphos naître plus d’un nuage,
Mais c’est le souffle pur qui rend l’éclat à l’or,
Et la peine en amour est un plaisir encor.
Le hasard à ton gré n’est pas toujours docile.
Une belle est un bien si léger, si mobile !
Souvent tes doux projets, médités à loisir,
D’avance destinaient la journée au plaisir ;
Non, elle ne veut pas. D’autres soins occupée,
Tu vois avec douleur ton attente échappée,
Surtout point de contrainte. Espère un plus beau jour,
Imprudent qui fatigue et tourmente l’amour.
Essaye avec les pleurs, les tendres doléances,
De faire à ses desseins de douces violences.
Sinon, tu vas l’aigrir ; tu te perds. La beauté,
Je te l’ai fait entendre, aime sa volonté.
Son cœur impatient, que la contrainte blesse,
Se dépite : il est dur de n’être pas maîtresse.
Prends-y garde : une fois le ramier envolé
Dans sa cage confuse est en vain rappelé.
Cède ; assieds-toi près d’elle ; et soumis avec grâce,
D’un ton un peu plus froid, sans aigreur ni menace,
Dis-lui que de tes vœux son plaisir est la loi.
Va, tu n’y perdras rien, repose-toi sur moi.