Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/181

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Et celles qui du Rhin l’ornement et la gloire
Vont dans ces froids torrents baigner leurs pieds d’ivoire,
Toutes enfin, ce bord sera tout l’univers[1].
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L’Amour croit par l’exemple, et vit d’illusions.
Belles, étudiez ces tendres fictions
Que les poètes saints, en leurs douces ivresses,
Inventent dans la joie aux bras de leurs maîtresses.
De tout aimable objet Jupiter enflammé,
Et le dieu des combats par Vénus désarmé,
Quand la tête en son sein, mollement étendue,
Aux lèvres de Vénus son âme est suspendue ;
Et dans ses yeux divins oubliant les hasards,
Nourrit d’un long amour ses avides regards ;
Quels appas trop chéris mirent Pergame en cendre ;
Quelles trois déités un berger vit descendre,
Qui, pour, briguer la pomme abandonnant les cieux,
De leurs charmes rivaux enivrèrent ses yeux ;
Et le sang d’Adonis, et la blanche Hyacinthe
Dont la feuille, respire une amoureuse plainte ;
Et la triste Syrinx aux mobiles roseaux,
Et Daphné de lauriers peuplant le bord des eaux[2] ;

  1. Édit. 1819.
  2. André Chénier avait songé à placer ces quatre derniers vers dans une bucolique avec ces variantes :

    Et le sang d’Adonis et la rose hyacinthe
    Dont la feuille respire une amoureuse plainte,
    Pan, qui presse en ses bras d’infidèles roseaux,
    Et les bras de Daphné peuplant le bord des eaux.