Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/196

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Il se tait, il se cache, il est seul dans sa fuite.
Ou bien pour compagnons il a quelques amis
Comme lui studieux, doux, modestes, soumis.
La médiocrité souple, adroite et subtile,
Va sous des bras puissants se chercher un asile,
Les encense, leur plaît, les dispose à loisir.
Eux qui pensent bien faire, ivres d’un sot plaisir,
Pour tuer le bon grain que leur présence effraie.
Prêtent partout un aide à la stérile ivraie.


Oui, cela était vrai quand les gens puissants étaient des ignorants ; mais aujourd’hui que tous les grands seigneurs s’instruisent et font des cours de chaque science…


Ils aiment tous les arts.
D’autre part à la cour,


Ils aiment tous les arts ; ils en font leur étude.
Trois heures chaque jour laissés en solitude.
Ils pensent. D’un système ils dictent des leçons ;
Ils font de grands discours, de petites chansons ;
Ils attendent l’instant qu’une illustre couronne
Doit les asseoir au Louvre au quarantième trône.
Et quand ils dormiront d’un sommeil éternel,
Leur successeur viendra, dans un jour solennel.
Pleurer un si grand homme aux arts si favorable ;
Perte, hélas ! qui sans lui serait irréparable.
Que s’ils n’égalent point ces hommes excellents
Qui font métier de l’art, professeur des talents…
— Qui font métier de l’art ! Oui, le génie en France
Est un poste, une charge, un bureau de finance.
Certes, je le veux croire ; et je vois que le roi
Ne les a point nommés à ce sublime emploi.