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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/228

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Vomit du haut des cieux ses brûlantes haleines,
Sent l’amour en fureur, dans ses flancs consumés,
Verser au lieu de sang des poisons allumés ;
Jamais de plus de morts, de meurtres, de carnages
L’Afrique n’abreuva ses infâmes rivages.
Dieux ! que je plains alors l’étranger oublié
Qu’à ces bords ... la mer retient lié !
Chaque jour, d’un sommet élancé dans la nue,
Sur la vaste Amphitrite il promène sa vue.
À ses vœux enflammés prompt à se décevoir,
Son œil avide vole au-devant de l’espoir.
Un nuage lointain qui se penche sur l’onde,
Un roc où, se brisant, Téthys écume et gronde,
Un monstre qui surnage et des flots fend le cours,
Tout lui semble un vaisseau qui vole à son secours.
Mais quand du haut Atlas la cime dévorée
De rayons presque éteints est à peine éclairée,
Vers l’astre fugitif, sur son sommet assis,
Il tourne ses regards de larmes obscurcis.
Bientôt de mille cris l’air ébranlant les nues,
De rugissements sourds les cavernes émues,
Des tigres, des lions, les fureurs, les combats,
Dans le creux des rochers précipitent ses pas.
Là, pâle, anéanti, palpitant, hors d’haleine,
N’osant ni se mouvoir, ni respirer qu’à peine,
....................
Verse une sueur froide et dresse ses cheveux.
Dans les convulsions d’une angoisse éternelle,
Il ne voit que la mort, et que la mort cruelle ;
Et quand le jour renaît dans les champs azurés,
Ses yeux, de pleurs amers sans cesse dévorés,