Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/269

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L’été va dissiper de si promptes alarmes.
Nous devons en naissant tous un tribut de larmes.
Les siennes ont déjà trop satisfait aux dieux.
Sa beauté, ses vertus, ses grâces naturelles,
N’ont point des dieux sans doute, ainsi que des mortelles,
Armé le courroux envieux.

Belle bientôt comme elle, au retour d’Érigone,
L’enfant va ranimer, nourrisson de Pomone,
Ce front que de Borée un souffle avait terni.
Oh ! de la conserver, cieux, faites votre étude ;
Que jamais la douleur, même l’inquiétude,
N’approchent du sein de Fanny.

Que n’est-ce encor ce temps et d’amour et de gloire,
Qui de Pollux, d’Alceste, a gardé la mémoire,
Quand un pieux échange apaisait les enfers !
Quand les trois sœurs pouvaient n’être point inflexibles,
Et qu’au prix de ses jours, de leurs ciseaux terribles,
On rachetait des jours plus chers !

Oui, je voudrais alors qu’en effet toute prête,
La Parque, aimable enfant, vint menacer ta tête,
Pour me mettre en ta place et te sauver le jour ;
Voir ma trame rompue à la tienne enchaînée,
Et Fanny s’avouer par moi seul fortuné
Et s’applaudir de mon amour.

Ma tombe quelque jour troublerait sa pensée.
Quelque jour, à sa fille entre ses bras pressée,
L’œil humide peut-être, en passant prés de moi :