Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
ODES


Paris me semble un autre empire,
Dès que chez toi je vois sourire
Mes pénates secrets[1] couronnés de rameaux,
D’où souvent les monts et les plaines
Vont dirigeant mes pas aux campagnes prochaines,
Sous de triples cintres d’ormeaux.

Les chars, les royales merveilles,
Des gardes les nocturnes veilles,
Tout a fui ; des grandeurs tu n’es plus le séjour :
Mais le sommeil, la solitude,
Dieux jadis inconnus, et les arts, et l’étude,
Composent aujourd’hui ta cour.

Ah ! malheureux ! à ma jeunesse
Une oisive et morne paresse
Ne laisse plus goûter les studieux loisirs.
Mon âme, d’ennui consumée,
S’endort dans les langueurs. Louange et renommée
N’inquiètent plus mes désirs.

L’abandon, l’obscurité, l’ombre,
Une paix taciturne et sombre,
Voilà tous mes souhaits. Cache mes tristes jours,
Et nourris, s’il faut que je vive,
De mon pâle flambeau la clarté fugitive,
Aux douces chimères d’amours.

L’âme n’est point encor flétrie,
La vie encor n’est point tarie,

  1. Voyez la notice biographique en tête du tome I.