Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/299

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Nul n’aima tant le sang, n’eut soif de tant de crimes.
Qu’on parle d’un vil scélérat,
Bien que Lacroix, Bourdon, soient des mortels sublimes,
Nous ne pensons tous qu’à Marat.
Il était né de droit vassal de la potence ;
Il était son plus cher trésor.
Console-toi, gibet. Tu sauveras la France !
Pour tes bras la Montagne encor
Nourrit bien des héros dans ses nobles repaires,
Le Gendre, élève de Caton,
Le grand Collot d’Herbois, fier patron des galères,
Plus d’un Robespierre, et Danton,
Thuriot, et Chabot ; enfin toute la bande ;
Et club, commune, tribunal.
Mais qui peut les compter ? Je te les recommande :
Tu feras l’appel nominal.
Pour chanter à ces saints de dignes litanies,
L’un demande Anacharsis Clotz ;
L’autre veut Cabanis, ou d’autres grands génies ;
Et qui Grouvelle, et qui Laclos.
Mais non, nous entendrons ces oraisons funèbres,
De la bouche du bon Garat ;
Puis tu les enverras tous au fond des ténèbres
Lécher le c… du bon Marat.
Que la tombe sur vous, sur vos reliques chères,
Soit légère, ô mortels sacrés !
Pour qu’avec moins d’effort, par les dogues vos frères,
Vos cadavres soient déchirés


Par le citoyen Archiloque Mastigophore[1].
  1. Mastigophore, qui porte un fouet.