Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PIÈCES ADRESSÉES À ANDRÉ CHÉNIER


ÉPÎTRE À ANDRÉ CHÉNIER


PAR LE BRUN[1]


Oui, l’astre du génie éclaira ton berceau :
La gloire a sur ton front secoué son flambeau ;
Les abeilles du Pinde ont nourri ton enfance.
Phébus vit à la fois naître aux murs de Byzance,
Chez un peuple farouche et des arts ennemi,
À la gloire un amant, à mon cœur un ami.

Que le nom de Fera soit vanté d’âge en âge !
Dans ces mêmes instants, sur ce même rivage,
Qui donnèrent Sophie[2] à l’amour enchanté,
Apollon te vouait à l’immortalité.
Lui-même sur les flots guida la nef agile
Qui portait des neuf Sœurs l’espérance fragile ;
Lui-même, sur nos bords, dans ton sein généreux
Souffla l’amour des arts, l’espoir d’un nom fameux.
Le vulgaire jamais n’eut cet instinct sublime.
Sur les arides monts que voit au loin Solyme,

  1. Voy. t. I, page 168, note 1.
  2. Sophie de Tott, fille du baron de ce nom, qui habitait aussi Constantinople, et à laquelle Le Brun a dédié plusieurs pièces de vers.