Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/46

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Faisaient merveille à larder les félons.
Et suis marri que notre grand Voltaire,
Que l’on croit plus qu’à Rome le saint-père,
À tout propos nous le dénigre, au lieu
D’étudier pour le connaître un peu.
De ce rieur que chérissait la Grèce
Il eut l’esprit, la verve, la finesse ;
Faut-il soi-même (et c’est ce qu’il fait, lui)
Se souffleter sur la face d’autrui ?
Sus. Ouvrez donc de grands yeux. Notre scène
Va vous offrir toute la vie humaine :
Vous, vos amis ; miracles et jongleurs,
Songes, esprits, prophètes, bateleurs,
Contes sacrés, sottises qu’il faut croire,
Dupes, fripons. Bref, toute votre histoire ;
Si, qu’entre vous vous regardant au nez.
Vous rirez bien de vous voir bien bernés.
Mais quoi ! j’entends une gent débonnaire
Qui vient me dire ; — Hélas ! comment se plaire
Aux petits vers qui fessent le prochain ?
— Oui, mais que diable ! on se lasse à la fin.
Je sais qu’il est permis d’être un peu bête.
Mais quand partout, prêt à courber la tête,
Le genre humain de boue enseveli.
Bien orgueilleux d’être bien avili.
Lèche en tremblant toute main qui l’assomme,
L’honneur s’en mêle. Alors en honnête homme
Ne peut-on pas, les verges à la main,
D’un vers aigu fesser le sot prochain.
Le démasquer, et lui faire connaître
Qu’on le connaît ? — Il rougira, peut-être.