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ÏAMBES

I

HYMNE


SUR L’ENTRÉE TRIOMPHALE
DES SUISSES RÉVOLTÉS ET AMNISTIÉS DU RÉGIMENT
DE CHATEAUVIEUX


 
Salut, divin triomphe ! entre dans nos murailles ;
Rends-nous ces guerriers illustrés
Par le sang de Désille et par les funérailles
De tant de Français massacrés,
jamais rien de si grand n’embellit ton entrée ;
Ni quand l’ombre de Mirabeau
S’achemina jadis vers la voûte sacrée
Où la gloire donne un tombeau ;
Ni quand Voltaire mort et sa cendre bannie
Rentrèrent aux murs de Paris,
Vainqueurs du fanatisme et de la calomnie
Prosternés devant ses écrits.
Un seul jour peut atteindre à tant de renommée,
Et ce beau jour luira bientôt :
C’est quand tu conduiras Jourdan à notre armée,
Et Lafayette à l’échafaud.
Quelle rage à Coblentz ! quel deuil pour tous ces princes,
Qui, partout diffamant nos lois,
Excitent contre nous et contre nos provinces
Et les esclaves et les rois !
Ils voulaient nous voir tous à la folie en proie.
Que leur front doit être abattu !
Tandis que parmi nous quel orgueil, quelle joie
Pour les amis de la vertu,
Pour vous tous, ô mortels, qui rougissez encore
Et qui savez baisser les yeux.