Page:Chénier - Poésies choisies, ed. Derocquigny, 1907.djvu/75

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Mon âme vagabonde, à travers le feuillage,
Frémira ; sur les vents ou sur quelque nuage
Tu la verras descendre, ou du sein de la mer,
S’élevant comme un songe, étinceler dans l’air,
Et ma voix, toujours tendre et doucement plaintive,
Caresser, en fuyant, ton oreille attentive. »


XVI


Mon visage est flétri des regards du soleil.
Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil.
J’ai suivi tout le jour le fond de la vallée ;
Des bêlements lointains partout m’ont appelée.
J’ai couru ; tu fuyais sans doute loin de moi :
C’était d’autres pasteurs. Où te chercher, ô toi
Le plus beau des humains ? Dis-moi, fais-moi connaître
Où sont donc tes troupeaux, où tu les mènes paître,
Pour que je cesse enfin de courir sur les pas
Des troupeaux étrangers que tu ne conduis pas.

Tiré du Cantique des cantiques


XVII

 
Ô jeune adolescent, tu rougis devant moi.
Vois mes traits sans couleur ; ils pâlissent pour toi :
C’est ton front virginal, ta grâce, ta décence ;
Viens. Il est d’autres jeux que les jeux de l’enfance.
Ô jeune adolescent, viens savoir que mon cœur
N’a pu de ton visage oublier la douceur.
Bel enfant, sur ton front la volupté réside.
Ton regard est celui d’une vierge timide.
Ton sein blanc, que ta robe ose cacher au jour,
Semble encore ignorer qu’on soupire d’amour.
Viens le savoir de moi. Viens, je veux te l’apprendre ;
Viens remettre en mes mains ton âme vierge et tendre,
Afin que mes leçons, moins timides que toi,
Te fassent soupirer et languir comme moi ;