Page:Chénier - Poésies choisies, ed. Derocquigny, 1907.djvu/82

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Sous l’herbe, loin des yeux, plus aimable et moins belle,
La violette fuit. Son parfum la révèle,
Avertit qu’elle est là ; que, voulant se cacher
Là, pour le sein qu’on aime, il faut l’aller chercher.


XXIX

À L’HIRONDELLE


Fille de Pandion, ô jeune Athénienne,
La cigale est ta proie, hirondelle inhumaine,
Et nourrit tes petits qui, débiles encor,
Nus, tremblants, dans les airs n’osent prendre l’essor.
Tu voles ; comme toi la cigale a des ailes.
Tu chantes ; elle chante. À vos chansons fidèles
Le moissonneur s’égaye, et l’automne orageux
En des climats lointains vous chasse toutes deux.
Oses-tu donc porter dans ta cruelle joie
À ton nid sans pitié cette innocente proie ?
Et faut-il voir périr un chanteur sans appui
Sous la morsure, hélas ! d’un chanteur comme lui !

(Trad. d’Evénus de Paros.)



XXX

 
Ah ! prends un cœur humain, laboureur trop avide.
Lorsque d’un pas tremblant l’indigence timide
De tes larges moissons vient, le regard confus,
Recueillir après toi les restes superflus.
Souviens-toi que Cybèle est la mère commune.
Laisse la probité que trahit la fortune,
Comme l’oiseau du ciel, se nourrir à tes pieds
De quelques grains épars sur la terre oubliés.

(Tiré de Thomson.)