Page:Chair molle.djvu/128

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Les deux miroirs opposés, réfléchissant les objets à l’infini, ouvrent de chaque côté de la pièce, d’interminables perspectives rompues par des caractères peints au blanc sur leurs faces polies :

Ce soir, DIMANCHE 16 Mai,
Débuts de Mademoiselle NINA,
Chanteuse de genre

Le patron baissa les stores. Les filles accrochèrent leurs chapeaux aux patères de bronze, allèrent lisser leurs tailles devant les miroirs et passèrent dans le jardin vide encore.

Il était terminé par un espace circulaire encombré de tables et de bancs ; tout au bout se dressait, en manière de théâtre exigu, une scène couverte, bariolée de raies tricolores. Elle béait en plein vent sans abriter ses trois chaises, son guéridon de fer blanchi qui supportait un plateau d’étain ; sur la corniche, des lettres contournées voulaient dire : « Alcazar d’été ».

— C’est là-dessus qu’on chante ? demanda Lucie.

— Oui, ma fille, et puis, le dimanche soir, les musiciens se collent à notre place pour le bal ; parce que, vois-tu, on retire les tables et on danse.

Un piano était appuyé à la scène. Les deux